PRODUCTION STÉRILE – UN SAVOIR-FAIRE EXIGEANT

Depuis leur invention, les isolateurs ont fait du chemin et sont désormais incontournables au coeur des sites de production pharmaceutique. Échanges avec deux fournisseurs, le géant allemand Bosch Packaging Technology et le Français JCE Biotechnology qui travaillent déjà à concevoir l’isolateur de demain.

Le marché des isolateurs pèse lourd. Selon une étude du cabinet Data Bridge Market Research, le marché mondial, tous secteurs d’activités confondus, est estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars avec une croissance annuelle proche des 8 %. Le marché est « boosté » par le recours à la bioproduction et par le développement soutenu de l’industrie pharmaceutique dans les pays émergents (Chine, Inde et Malaisie en tête). « Nous exportons désormais vers la Chine et nous souhaitons continuer à développer ce marché de l’export », ambitionne Éric Gohier, p-dg de JCE Biotechnology. L’entreprise, créée dans les années 90, a vu grandir le marché des isolateurs, d’abord par l’hospitalier puis en conquérant les usines de production pharmaceutique dans les années 2000. Les sites de l’industrie pharma demandent de plus en plus d’aseptie, tandis que le coût des non-conformités a également grimpé. Face à ces nouveaux besoins, l’isolateur constitue un équipement sûr pour garantir une production stérile. « Les isolateurs sont parmi les systèmes barrières les plus efficaces, assurant un faible risque aseptique à la production pharmaceutique. Il y a quelques années, seules quelques lignes étaient équipées avec des isolateurs, aujourd’hui la majorité des lignes de production, particulièrement en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, utilisent des isolateurs », observe Matthias Angelmaier, responsable produit chez Bosch Packaging Technology. Éric Gohier voit dans l’évolution des normes, de plus en plus strictes, le principal moteur du marché : « On recherche de plus en plus la stérilité et la protection dans la production. Ce sont surtout les normes qui font évoluer dans ce sens. La qualification des isolateurs est devenue primordiale avant la mise en service d’un équipement ». Avec des normes incontournables sur les lignes de production, quelles sont les innovations encore possibles sur ce type d’équipements ?

Traitement de l’air et décontamination optimisés

Deux grandes tendances se dessinent au niveau des composants de l’isolateur : le travail sur la filtration de l’air et la recherche d’un cycle de décontamination toujours plus réduit. Bosch a ainsi conçu un nouveau filtre de retour d’air pour les isolateurs. Celui-ci est directement intégré à la machine et non plus dans la partie technique de l’isolateur. « Cela permet de gagner du temps et facilite le nettoyage car les substances potentiellement toxiques sont déjà filtrées en amont. Le changement du filtre est facilité et sans danger, puisqu’il n’y a pas de contact entre l’opérateur et la membrane du filtre contaminé », explique Matthias Angelmaier. L’évolution est ici également au service d’un gain de temps, qui devient un paramètre clé en termes de productivité. L’objectif est de réduire le temps d’arrêt de l’isolateur entre chaque lot ou de limiter les temps d’arrêt. Les process de décontamination et d’entretien sont ainsi réputés chronophages, même si le temps dévolu à ces opérations n’a cessé de fondre au fil des ans. « C’est un facteur important pour les laboratoires pharmaceutiques, il y a la possibilité d’améliorer le process de décontamination. Dans les premières années, les cycles de décontamination pouvaient prendre de 10 à 15 heures. Maintenant, on a des process à l’eau oxygénée et des concepts d’aération optimisés pour réduire le temps. Grâce à la technologie de catalyse qui inactive l’eau oxygénée, le temps total de décontamination peut être réduit à moins d’une heure », souligne Matthias Angelmaier. Le temps entre chaque lot est particulièrement important pour la bioproduction. En effet, ses acteurs sont souvent amenés à sortir de leurs lignes des lots de petite taille constitués de nombreux produits différents. Pour les fabricants d’isolateurs, il faut aussi faire face à de nombreux revamping avec des industriels de la pharmacie traditionnelle qui basculent vers la bioproduction, ce qui peut poser un défi par rapport à la taille de l’équipement et à l’intégration dans une ligne de production. « Réduire la taille, c’est la partie la plus compliquée, souligne Éric Gohier. « Vous avez des laboratoires qui se sont développés avec des équipements non sécurisés, ils veulent conserver leurs appareils mais se protéger et apporter un isolateur », poursuit-il. L’installation de l’isolateur dans ce type de configuration peut aboutir à des casse-têtes au niveau de la conception et de la cohabitation de zones qui n’étaient, au départ, pas prévues pour ce type de production. Il faut alors trouver des solutions sur mesure et élaborer des isolateurs qui sortent des équipements de série. JCE Biotechnology s’est fait connaître sur ce créneau, l’entreprise met en avant sa réactivité par rapport aux géants du secteur : « on fait du sur-mesure, on peut changer un élément rapidement, on est assez souple au moment du développement de l’isolateur », souligne son dirigeant. Le géant allemand Bosch packaging met, lui, davantage en avant sa connaissance de la chaîne de production. Selon Matthias Angelmaier, l’important est de « mettre en adéquation l’isolateur avec les composants installés sur le reste de la ligne. Tous les process, du nettoyage et de la stérilisation au remplissage en passant par le nettoyage externe et l’inspection, sont cordonnés et alignés ». La bonne intégration de l’isolateur dans la ligne de fabrication permet de réduire les ralentissements du flux de production.

Une ergonomie toujours plus poussée

Éric Gohier insiste enfin sur un autre élément important dans l’évolution de l’équipement, un facteur qui va au-delà des améliorations sur les différents composants de l’isolateur : l’ergonomie utilisateur. « Le confort du personnel est primordial, nous concevons d’abord virtuellement l’isolateur avec des accessoires de manipulation, le positionnement des systèmes de transfert, les appareils internes, puis nous proposons notre solution. Dans un second temps, nous réalisons un maquettage », précise le p-dg de JCE Biotechnology. Concrètement, le maquettage permet de simuler l’équipement final, en proposant une reproduction de ce que ce sera l’isolateur en termes de gabarit, « Grâce à ce travail d’étude, nous définissons, par exemple, la disposition des gants, leur hauteur, les positionnements par rapport aux appareils internes », détaille Éric Gohier. Pendant la phase de maquettage, qui se réalise généralement une fois que le contrat est validé, le client vient chez le fournisseur. « L’équipement est testé et validé avec des opérateurs, souvent de différentes tailles, ce qui permet de trouver l’ergonomie la plus adaptée », explique Éric Gohier. C’est sur ce travail affiné d’ergonomie que les fournisseurs essaient désormais de faire la différence. Même si l’avenir de l’équipement pourrait voir s’amenuiser le rôle dévolu aux opérateurs. Une autre tendance du secteur passe ainsi par l’accroissement des process automatisés, notamment au travers de la robotique. « Pour aboutir à un process hautement sécurisé, on va avoir tendance à inclure de la robotique, qui permet des procédés reproductibles et nous rapproche de l’idée d’une cellule de travail totalement aseptique », projette Matthias Angelmaier. L’usage unique pourrait également modifier sensiblement le marché en proposant des isolateurs jetables. Une solution développée par exemple par le Français Disposable Lab, qui élimine le besoin du nettoyage. Sur ce marché en pleine ébullition et avec des équipementiers qui rivalisent pour prendre pied sur ce secteur, le prix des isolateurs devrait en tout cas connaître une baisse sensible dans les prochaines années. Une bonne nouvelle pour un équipement qui constitue toujours un achat conséquent pour les industriels.
Source https://www.industriepharma.fr/isolateurs-l-innovation-leur-va-comme-un-gant,93185